Avant (traducción por Sabine Coudassot-Ramírez)

Avant (traducción por Sabine Coudassot-Ramírez)

Traducción al francés de la novela Antes. 

Avant, Les Allusifs, Quebec, Canadá, 2002,  traductora Sabine Coudassot-Ramírez.

 

FRAGMENTO DE RESEÑA

Martine Monteau:
Livre déchirure, déchirant. Violent, “mexicain”, ce roman d’une lancée dans la virevolte, d’une envolée tragique, dans sa rudesse toute mêlée de tendre dit la fraîcheur colorée d’une enfance qu’atterre l’obscur. La tension d’Avant fulgure la durée, abstrait un espace-temps pathétique, exsude du vivant, enclave. Et sa trace nous creuse.

La narratrice revisite des moments choisis de son existence. L’enfance, patrie de l’imaginaire, du concret, est le socle de sa réflexion. Age halluciné, où épouvante, frayages informes se lient au merveilleux, dans le tourbillon des sensations, l’appréhension du mystère de vivre. Qui-vive d’un jeune être poreux, qui, témoin de ce que l’on tait, entend. – Le silence de grand’mère qui voulait un petit fils, la défection du père, le mal d’une mère, les soeurs lointaines, peuplent sa solitude, la refoulent aux seuils. Les coups qui frappent à la porte du réel – sans pleurs, ni plaintes – forgent la lucidité qui tient l’écart, lui chuchotent des protections, fourbissent la logique du regard prépubère qui livre une interprétation. Solipsisme, insomnie drainent le faste, tendent le drame. La mémoire chronicise la fable du réel, pleine d’images vraies, de songe, de saveur. Ces flashs d’innocence vécus sans pause trahissent l’intranquillité. Le récit procède d’arrêts sur images – souvenirs-écran, faits menus et hasards congrus signent après-coup une vie. De ses alluvions passés au crible le sujet – jamais nommée, appelée – retient ce qui irrigue une histoire, la précipite. Cela qui la prive de mère agit en catalyse. Comment, sans amour, transie, traverser la métamorphose ? Sans verbe, transiter ? La vie frêle abandonne l’endeuillée. En accéléré la roue de Fortune s’immobilise au tournant du cycle et la confine au désêtre.

Par ce trou-trauma de la durée : l’échappée. Avec l’infans expire le silence. Rayée du projet, ses douze années se fixent à ce disque. Enquête, analyse chroniques maillent la mélancolie, trou noir (de la matière), conscience élucidante. De ce parlêtre dévidant les raisons, les réseaux, une histoire à jamais achevée, close sur elle-même, lève. Monde fini du fatum.

Et l’écriture, actuelle, factuelle rejoint le Mythe. Carmen Boullosa parle le langage de l’enfance, des sagesses, de l’inconscient, de la circularité, de l’unité soma-esprit, du féminin … Patrie chamanique, l’air mexicain mythologise son génie mystique dans l’union des contraires, le passage aux limites.

Toute vie, toute harmonie qui rompt – scandalise la pensée. Pour réparer la communauté déchirée, accompli son meurs-et-deviens, le disparu regagne le Corps (spirituel) inséparé. L’enfant-défunt, magnifié, trouve l’immortalité dans les innombrables représentations mexicaines de la mort-enfant, qu’interroge et analyse Edmundo Gomez Mango*. Des limbes il renvoie sa paix, sa lumière. Dans la frontière effacée, poreuse, se fraye le va-et-vient du processus créateur. L’art – sourcier, rhapsode, passeur – s’origine dans la déhiscence.

L’âme-fille, orpheline, reste dans l’infranchi – d’où nous vient, comme d’un coryphée écarté, ce récit testamentaire. Lange-drap sanglant se déroule l’écheveau : ses rubans de moires, frou-frou, haillons, volants tournoyants, nylons transparents. Nudité d’une âme, quérant l’éclat poignant du fado, nostalgie d’un corps sous le choc d’une explosante-fixe. – Témoin sobre et magnifique, du Terrible.

La carence maternelle, l’absence de mots pour colmater la béance, empêche l’accession au féminin : personne pour bénir son sang. Sans initiatrice, vers quelle aller ? La porte, un pertuis. Par une trouée, par simple lâcher, tourne le gond de l’être. En un rien de temps, ce blanc vire au rouge-noir. L’enfance-éternisée, l’exsangue, l’asexuée gagne l’intégrité de l’Ange – gardienne de ce trésor, porteuse de ce message : l’intégrale de sa vie.

L’avant, pour l’âme esseulée, c’est le temps rond, c’est l’errance d’une circulation frontière, entre latence et réminiscence, où s’observe, purs moments du furtif, le silence.

Conjurant la perte, oubliant l’Oubli, la pensée réactualise l’entité amputée. Le cours du temps s’abolit à répéter cette somme d’instants fugués-figés qui lui fut impartie, à ciseler la beauté, le contour de chaque atome, infini vertigineusement. La substance pensante n’a de cesse de re-susciter sa part de vie, de soleil-nuit, à jamais sienne. Singulière monade. L’éternité à ressasser, re-composer les instances du moi, ce qui existe et pas. Panser l’impensable (absence, perte, deuil) affole, excède la raison. Sa ré-volte engage le retour de la négation – l’absolu rongé par tout ce qui vient de l’insu et revient donner sens au non-sens, désigner l’humaine insuffisance. C’est la rengaine d’avant insurgeant le posthume, l’exhumant. A ce déni présumant du manque, mûrit son désir de justice, de réparation, d’identité.

Cette trame d’exil au vif de l’Absence re-cèlerait (tympan, hymen) l’e/antre utérin – voie d’une poésie. Ce qui sourd, qui gronde, qui sidère l’enfant au bord de la vie, la saisit à l’orée de la puberté, in-voque le hors en soi. Voix off qui circule, engramme, inspire, console.

Ce récit bref n’en finit pas d’entamer. Par l’alternative littéraire, le Même insiste, est demeurant. Par cette voie et voix narratrices filant ce vierge destin, revenant sur ses pas, souffrant l’Absence-au-monde qui s’altère, elle est rumeur qui s’enfle. Fureur sans substance, sans personne, creusant là – où le lecteur reste pris. Mystère initiant l’écriture, s’incorporant texte, corpus. Un dire obsède, une parole prétexte d’une effraction de soi, fait signe, un air canalise joie-et-peine, touchant qui passe, guettant l’ombre et, s’entêtant, créent, trouvent l’issue. Un livre.

Tout commence par des questions. Etre, ne pas être, naître, disparaître-comparaître en tel mi-lieu, coexister, le simple si complexe. Tout relie … Livre-tout qui contient le mythe et l’histoire singulière, une lecture du monde subjectif et objectif, la parole et l’indicible, l’instant et l’éternel, le passé-présent, le sujet et sa vacance, l’art, l’insaisi. Et l’auteur tisse-détisse le monde-esprit, osmose de vérité et d’illusion. Un style, prompt par la concision, densifiant le profus, singularise cette saisie transparente à soi.

La poésie n’est pas seule. La relation fait naître son medium – l’une en l’autre, auteur-sujet, âmes-soeurs investies. L’enfance origine, mère de soi, fille pré-texte, surréalise son monde, son texte, surprend son audience. La déposition acte sa délivrance. Livre unique, de la maturité à l’oeuvre, ce message ailé, foudroyé, est l’ange.

Cette enfance littéraire nous hante sur sa terre, comme l’Enfant de la Haute Mer.

Encres – numero 105 – février 2003

Especificaciones

  • Language: Francés
  • Año de publicación:: 2021

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